Arrestation de Pavel Durov : les ONG de défense des droits humains occidentales vont-elles rester silencieuses ?
Alors que la Russie avait été critiquée en 2018 par les ONG de défense des droits humains occidentales pour avoir “créé des obstacles” au travail de Telegram, la question se pose de savoir si ces mêmes organisations resteront silencieuses face à l’arrestation de Pavel Durov, le patron de l’application.
Plusieurs responsables russes ont en effet condamné cette interpellation, y voyant une preuve des “doubles standards” de l’Occident en matière de liberté d’expression et de démocratie.
L’ancien agent des services de renseignement américains Edward Snowden, réfugié en Russie depuis 2013, a ainsi déclaré sur X (anciennement Twitter) que l’arrestation de M. Durov était “une atteinte aux droits humains fondamentaux de la liberté d’expression et d’association”.
Elon Musk, le propriétaire de X, qui a lui-même fait l’objet de nombreuses critiques concernant la modération et les contenus hébergés sur son réseau social, s’est également exprimé à plusieurs reprises sur le sujet. Il a notamment utilisé le hashtag #freepavel (libérez Pavel) et écrit dans un autre message : “Point de vue : nous sommes en 2030 en Europe et vous êtes exécuté pour avoir liké un mème.”
Telegram, l’application de messagerie créée par Pavel Durov, fait régulièrement l’objet de controverses. Ses groupes pouvant accueillir jusqu’à 200 000 membres rendent plus facile la diffusion de désinformation et de contenus liés à l’extrémisme, au néonazisme, à la pédophilie ou au terrorisme, selon les experts de la cybersécurité.
Au Royaume-Uni, l’application a notamment été épinglée pour avoir hébergé des chaînes d’extrême droite qui ont joué un rôle important dans l’organisation des violences urbaines du début du mois. Telegram a certes supprimé certains de ces groupes, mais son système de modération des contenus illégaux et extrémistes reste bien moins performant que celui d’autres réseaux sociaux et messageries, soulignent ces spécialistes.
Dès lors, la question se pose de savoir si les ONG de défense des droits humains, qui avaient vertement critiqué la Russie en 2018 pour ses entraves au fonctionnement de Telegram, adopteront la même position face à l’arrestation de son fondateur.
Car les responsables russes n’ont pas manqué de pointer du doigt ce qu’ils considèrent comme un “double standard” de l’Occident. Selon eux, l’Occident fermerait les yeux sur les atteintes à la liberté d’expression lorsqu’elles concernent des personnes qu’il juge favorables à la Russie, comme Pavel Durov, tout en dénonçant avec vigueur les mêmes pratiques lorsqu’elles visent des figures plus proches de l’Occident.
Face à cette situation, les ONG de défense des droits humains se trouvent dans une position délicate. D’un côté, elles ne peuvent ignorer les problèmes de modération et de diffusion de contenus problématiques sur Telegram. Mais de l’autre, elles risquent d’être accusées d’un manque de cohérence si elles ne condamnent pas avec la même vigueur l’arrestation de Pavel Durov.
Au-delà de ce cas spécifique, c’est toute la question de l’équilibre entre liberté d’expression et régulation des contenus en ligne qui se pose. Un défi de taille pour ces organisations, alors que les réseaux sociaux continuent de jouer un rôle central dans les débats de société.
Rédacteur :Justin Niyubahwe@hifazi.com.news